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Depuis la chaine de l'Himalaya jusqu'à la Cordillère
Annamitique, c'est à dire depuis le nord de l'Inde jusqu'aux
confins de l'Annam et du Laos, s'étend sans discontinuer une
large chaine de montagnes peuplée de centaines de minorités
ethniques. Cette chaine de montagnes sépare la Chine des
autres pays du Sud Est Asiatique : Birmanie - Thaïlande -
Laos - Vietnam. Au cours des siècles passés, les ethnies dominantes ( Hans-Thaïs-Birmans-Laos-Viêts) ont repoussé dans ces montagnes inhospitalières les minorités qui peuplaient leurs pays respectifs. De façon générale, même quand ces peuples ne furent pas repoussés dans ces montagnes précises, ils le furent dans d'autres espaces escarpés tels que les monts qui séparent l'Inde et le Bengladesh d'une part et la Birmanie d'autre part. Aux Philippines, c'est à l'extrème nord de la grande île de Luçon, dans la Cordillère, que se trouvent désormais retranchés l'ethnie la plus rebelle aux diverses invasions de l'histoire : les Kalingas. En Inde, nous trouvons, dans une région montagneuse à cheval entre le Chattisgarth et l'Orissa, les"Adivasis", littéralement les "premiers habitants" de l'Inde. Ces minorités, au plus bas de l'échelle sociale du système des castes, sont en but aux fondamentalistes indous, au gouvernement indien, aux "Naxalistes" (guérilléros maoïstes) et aux appétits des grands groupes miniers qui veulent exploiter leur sous-sol. S'étant isolés de force loin du tumulte des grandes voies du commerce et des pouvoirs souvent sanglants des ethnies dominantes, ces populations ont, tant bien que mal, résisté culturellement aux brassages ethniques et aux conquêtes asiatiques et occidentales. Ces peuples sont arrivés jusqu'à nous, tels des naufragés d'un monde ancestral révolu, pour devenir la proie d'un ordre nouveau dévastateur de traditions marginales et assimilateur démoniaque de cultures aux richesses ignorées et piétinées. Ces peuples si divers, si fiers et si beaux dans leur désespérance sont en grand danger de disparition pure et simple ! |
![]() | ![]() Ils viennent déjà grossir le lumpen prolétariat des villes des plaines, chassés de leurs montagnes protectrices par des politiques d'assimilation assassines. Exploités ou victimes des trafiquants de drogues,d'armes et de femmes, ils sont également la proie de tours opérators peu scrupuleux qui les parquent dans des villages-zoo comme les Padaungs en Thaïlande (dont les femmes appelées "femmes girafes" sont célèbres pour les anneaux autour de leur cou). Mon travail photographique consiste, d'une part à rendre hommage à leur dignité d'hommes et de femmes oubliés par une époque tournée vers d'autres préoccupations et, d'autre part à témoigner de civilisations en perdition (voir le fabuleux travail photographique d'Eduardo Masferré sur les Kalingas des Philippines). Je pense malheureusement que dans les 30 années à venir, nombres de ces ethnies auront disparu. Il y a plus de 100 ethnies en Birmanie, plus d'une centaine également au Laos et environ une cinquantaine au Vietnam et en Thaïlande. Parmi des ethnies, un certain nombre avaient la tradition du tatouage facial féminin. On raconte diverses légendes sur l'origine de ces tatouages mais la plus vraisemblable est, outre le besoin très fort d'appartenance au clan, à la tribu, un oyen d'éloigner le danger de l'esclavage. En effet, lors des combats avec les ethnies dominantes, les vainqueurs emportaient les femmes des vaincus comme butin de guerre. Les tatouages faciaux, mais aussi les déformations physiques comme les anneaux des Femmes Girafes en seraient les parades "élégantes" trouvées par ces peuples. Aujourd'hui, les jeunes femmes ne se tatouent plus, sauf en des endroits très reculés (en pays Chin par exemple) car plus rien n'exige cette douloureuse parure. Alors regardez bien ces visages, ce sont déjà les vestiges d'une époque qui disparait inexorablement. Ils sont le symbole de notre humanité qui s'effrite dans la poussière du temps. Jean-Stéphane Vissouze ![]() ![]() ![]() |